Les geishas et les oirans
Les geisha
Une geisha est une femme japonaise dédiant sa vie à la pratique des arts traditionnels. Le mot "geisha" peut s'interpréter comme "personne d'arts". Les apprenties geisha sont appelées "maiko". À Kyoto, les geisha sont dénommées "geiko".
Histoire
Les geishas sont le résultat de l'évolution des "taikomochi" ou "hokan", équivalents aux bouffons du Moyen Âge en Europe. Ainsi, les premiers geishas étaient des hommes. Au début de leur intégration aux geishas, les femmes étaient appelées "onna geisha" (littéralement : geisha femme).
En 1863, toutes les geishas sont des femmes. Les geishas sont traditionnellement entraînées depuis leur petite enfance. Les aspirantes geishas sont soit filles de geishas soit vendues par leurs familles (pauvres ou à la recherche d'un prestige) à des maisons de geishas, les okiyas. Les okiyas se chargent de les élever et de les entraîner. Durant leur enfance, les futures geishas travaillent comme servantes, puis comme assistantes des geishas confirmées pour contribuer à leur entraînement mais aussi pour assurer le coût de leur éducation.
Une personne d'art... rétribuée à sa juste valeur... avec des dettes
Les geishas commencent dès leur plus jeune âge à pratiquer un vaste éventail d'arts, comme la pratique d'instrument de musique (en particulier le shamisen) et les chants traditionnels, la danse traditionnelle, la cérémonie du thé, l'ikebana (composition florale), la poésie et la littérature japonaise. En regardant et assistant leurs aînées, elles apprennent le port du kimono, l'art de la conversation, différents jeux, et le rapport au client. Une fois devenues apprenties geisha, c'est-à-dire des maikos, elles accompagnent des geisha dans les maisons de thé, les ochayas, aux réceptions et banquets.
Quand une geisha arrive dans une maison de thé, la maîtresse de la maison allume un bâtonnet d'encens qui met environ une heure à se consumer. On appelle cela une "o-hana" ou "fleur". Les honoraires de la geisha sont calculés selon le nombre de bâtons d'encens consumés au moment du départ. Les geishas les plus cotées pouvaient réclamer une o-hana toutes les 5 minutes.
Cependant, une geisha est rarement riche. Dès son entrée dans l'okiya, son livre de dette est ouvert. Tout ce qui est dépensé pour elle y est inscrit: nourriture, vêtements, frais médicaux, leçons. Une geisha travaillera donc avant tout pour rembourser sa dette à la chef de l'okiya, appelée Mère. La plupart n'y arrivent jamais, et restent toutes leurs vies liées à cette maison, en une sorte de servitude/esclavage moderne. Car la vie dans une okiya n'est pas forcément rose et bonheur. La hiérarchie entre les geishas est stricte, et il y a beaucoup de rivalité entre elles. En effet, de leur popularité dépend leur succès.
Ainsi, il reste à la geisha à peine plus de la moitié de ce qu'elle gagne, le reste partant chez l'habilleur, à l'okiya, à la maison de thé...
Fausse idée
Les geisha ne sont pas des prostituées mais plutôt des hôtesses. Bien qu'il soit possible et presque systématique d'acheter leur virginité (un événement appelé "mizuage", passage obligatoire pour passer d'apprentie à geisha), elles ne sont pas forcées d'avoir des relations sexuelles avec leurs clients, ni même avec l'homme qui a payé beaucoup d'argent pour acheter leur virginité (une fois la cérémonie du mizuage passée).
Le rôle de la "Grande Soeur"
Quand une fille est prête à devenir apprentie-geisha, elle doit nouer une relation avec une geisha plus expérimentée : la "Grande Sœur". La Grande Sœur n'est pas forcément beaucoup plus âgée que la future geisha dont elle assure la formation, mais bien plus expérimentée. Lorsque deux filles deviennent sœurs, elles procèdent à une cérémonie qui ressemble à celle d'un mariage. Après quoi, elles se considèrent comme parente et s'appellent "Grande Sœur" et "Petite Sœur", comme dans une vraie famille.
La Grande Sœur apprend à sa cadette comment réagir à toute situation, lui donne des conseils sur son maquillage, surveille ses progrès à l'école, etc. Mais son rôle va bien au-delà. Elle doit s'assurer que la novice saura attirer l'attention des gens qu'il lui serait utile de connaître. Ainsi, la grande sœur emmène la cadette dans Gion. Elle la présente aux maîtresses des maisons de thé qu'il lui serait bon de fréquenter, aux perruquiers, aux chefs des grands restaurants... Le soir, la Grande Sœur emmène sa cadette dans les maisons de thé, pour la présenter à ses clients et autres protecteurs. L'un d'entre eux finira probablement par devenir l'un de ses protecteurs, et par apprécier vivement sa compagnie. Si la Petite Sœur se conduit mal, la responsabilité retombe sur sa Grande Sœur. Une geisha célèbre supportera tous ces aléas car lorsqu'une apprentie-geisha réussit, toute la communauté en profite. L'apprentie en bénéficie : elle peut payer ses dettes. Quant à la Grande Sœur, elle touche une part des honoraires de sa cadette ainsi que les maîtresses des différentes maisons de thé que fréquente la jeune apprentie. Tout le quartier de Gion en profite car elle amène de nouveaux clients, qui font prospérer les affaires.
La destinée de toute future geisha est entre les mains de sa Grande Sœur. Une geisha connue ne mettra pas sa réputation en péril en prenant une Petite Sœur qu'elle juge obtuse, ou susceptible de déplaire à ses protecteurs.
Le "danna"
Une geisha n'étant pas une prostituée, il est impensable qu'elle couche avec un homme, au-delà de sa cérémonie de mizuage. La seule possibilité pour un homme d'être intime avec une geisha est de devenir son danna.
Si la geisha se lie à un danna, elle le fera par l'intermédiaire d'une cérémonie. Ce lien dure minimum six mois, parfois davantage.
Le danna est le protecteur attitré d'une geisha: son sponsor et son client privilégié. Il est attendu du danna qu'il règle une partie des dettes de la geisha (qui rembourse son Okiya pour les frais engendrés depuis son arrivée). Il rembourse également une partie de ses dépenses (son maquillage, ses leçons, ses frais médicaux, son appartement, sa servante, etc.). Il lui pait des bijoux, des kimonos et sponsorise pour elle des spectacles de danses. Outre son entretien, qui lui coûtera des sommes folles, le danna continue à payer la geisha à son tarif horaire (comme le font ses autres clients) chaque fois qu'il passe du temps avec elle. Parfois, il paiera davantage que le tarif habituel, afin de montrer sa bonne volonté. Mais il a également droit à certains "privilèges". Certains dannas n'exigent pas cette contrepartie.
Pour un homme, devenir un danna est le signe d'une grande richesse (car cela a un énorme coût, que d'entretenir une geisha), et d'une sensibilité aux arts. Cela assoit sa position par rapport aux autres.
Les oirans
Les oirans (premières fleurs) sont des prostituées (yûjo), mais de haut-rang, ce qui fait qu'on les appellent courtisanes. Quasiment disparues en 2016, elles ont été célèbres en particulier au cours de l'ère Edo. Elles étaient si célèbres qu'elles pouvaient parfois refuser des clients, et pouvaient concurrencer certaines geishas sur le plan artistiques. Mais c'est bien là leur seul point commun, et une geisha prendra très mal le fait d'être confondue avec une oiran.
Histoire rapide de la prostitution
En 1617, le shogun de l'époque crée les quartiers de plaisirs, les yûkakus, généralement un peu excentré des centres-villes. Les quartiers les plus célèbres étaient Yoshiwara à Edo (Tokyo actuel), Shimabara à Kyoto et enfin Shimmashi à Osaka. A l'époque, le plus haut rang pour une prostituée était "tayû", et certaines n'étaient pas des prostituées, mais bien uniquement des artistes.
Durant l'ère Edo, ces différents quartiers sont des mondes clos cernés par une enceinte, et dont l'objet de patrouilles privées. Les filles qui tombent dans ce monde ont peu de chance d'en sortir et si toutefois, une s'échappe, elle est presque toujours rattrapée et sévèrement punie.
A 18h, les prostituées de bas niveau sont exposées derrière des barreaux au rez de chaussée de la maison. Les clients potentiels s’arrêtent devant ses vitrines afin de les regarder et de choisir celle qui leur plait. Selon le rang de la femme, l'affaire est plus ou moins vite réglée.
Car une autre hiérarchie existe, avec ses rituels et son étiquette. Et au sommet, les oirans règnent.
La fin des tayûs crée les oirans
En 1863, il n'y a plus de tayûs: elles ont disparu en faveur des oirans.
La création des quartiers de plaisirs a vu les prostituées être excentrées des centres-villes. Les grandes prostituées, les tayûs, étaient à l'époque tout autant des artistes de grande qualité que des femmes-plaisirs. Mais avec leur retrait dans les yûkakus, cela gênait les messieurs de se déplacer s'ils ne voulaient pas faire leur "petite affaire", et juste bénéficier de la compagnie éclairée d'une dame. Ainsi ont été crées les geishas, femmes artistes exclusivement. Elles n'étaient pas sous le joug de l'obligation de rester dans les yûkakus, et pouvaient donc se produire en centre-ville.
En 1761, la dernière des tayû prit sa retraite, marquant la fin d'une époque. Le terme "oiran" apparaît alors comme un terme poli pour désigner les autres prostituées de haut rang. Ces courtisanes sont donc toujours des prostituées, avec un véritable prestige. Comme les geishas, elles connaissent l'art de la calligraphie, la danse, les instruments de musique, la cérémonie du thé. Elles sont cultivées, peuvent discuter de sujets philosophiques ou d'actualité... et peuvent même refuser des clients, si elles le désirent - refus à temporiser, parce que de leur réputation découle leur survie.
Shimabara en 1863-64
Shimabara est un quartier spécial, car il est à la fois un yûkaku - un quartier rouge - et un hanamachi - "rue des fleurs", là où vivent et exercent les geishas. Il existe donc une milice privée, payée par les différents marchands et gérants d'établissements de Shimabara, qui veille à ce que les clients se comportent bien, que les filles soient en sécurité et ne s'échappent pas, etc. Il est important que la réputation du lieu soit conservée.
Sur FK, il a été décidé que Shimabara a pourtant une face cachée: c'est là qu'on trouve le marché noir, et tous les réseaux mafieux, les guildes et les secrets.